Partie 1 :
Afin d’effectuer le plus discrètement possible le suivi d’un clan de Blaireaux Meles meles dans le piémont du département des Pyrénées-Atlantiques, j’installe en octobre 2011 un piège photographique équipé de leds noires (invisibles) sur un site situé en lisière de forêt. Mon but est d'enregistrer des images comportementales à des fins pédagogiques.
Les premières images sont encourageantes, les blaireaux n’étant pas avares de jeux, vocalises, et autres comportements riches et variés. C’est donc avec un grand plaisir que je relève régulièrement la carte mémoire de la caméra (une fois tous les 10 jours) et non sans une vive reconnaissance envers la famille Meles, qui m’enchante chaque fois davantage.
Tout va pour le mieux et j’imagine le printemps à venir que j’espère enrichi de la présence de jeunes blaireautins. En attendant, renard, chevreuil et martre assurent les seconds rôles. Oui, tout va pour le mieux en cet hiver 2011.
Or, c’était sans compter sur la bêtise humaine. Entre le 18 et le 26 mars 2012 le piège photographique m’a été volé, mais surtout le terrier a été endommagé. La description des dommages ne laisse aucun doute sur le caractère volontaire de l’exaction : câble sectionné dont la trace de la lame est nettement visibles sur le tronc de l’arbre supportant la caméra, marques de terrassement à l’aide d’une pelle, et surtout la présence de déchets organiques et d’une dépouille de bovin (race Holstein) mélangées à la terre rapportée pour obstruer les gueules d’accès au terrier. Enfin, la dépouille est dépourvue de boucles d’identification et je me demande s’il ne s’agit pas en l’occurrence d’un abatage illégal.
Ecœuré et ne comptant pas rester sans réagir je porte plainte auprès du Procureur de la République de PAU ; je fais constater l’exaction par l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui transmet son rapport au parquet ; j’informe le maire de la commune du comportement incivique de l’un de ses administrés ; j’alerte des associations de protection de la nature et dénonce auprès de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) le possible empoisonnement de cette viande et le risque que cela pourrait faire encourir à la faune sauvage. J’attire également son attention sur l’absence de boucles d’identification aux oreilles du bovin.
En effet, outre les dommages provoqués aux blaireaux, cet acte de destruction d’un terrier peut porter atteinte à des espèces protégées tel le chat forestier ou les chiroptères qui utilisent également les gites de blaireaux. J’ajoute à l’attention des destinataires de ma plainte, qu’à la date des faits nous sommes dans une période sensible de mise bas et d’allaitement chez l'espèce Meles meles et que selon l'article L 424-10 du code de l'environnement « il est interdit de détruire les portées de mammifères dont la chasse est autorisée ». Le comblement des accès au terrier peut porter atteinte à la survie de jeunes blaireaux.
De plus, un arrêté préfectoral paru récemment pour lutter contre la propagation de la tuberculose bovine, autorise la destruction de blaireaux. Il me semble donc évident que la justice comme les services vétérinaires vont diligenter une enquête afin de connaitre le propriétaire des restes du bovins, car nous sommes assurément devant un risque de contamination si par cas l’animal domestique était infecté.
Partie 2 :
Au bout du compte, ma plainte pour dégradation fut classée sans suite par le parquetier. Probablement que la justice à considéré cette dégradation de terrier comme non répréhensible car le blaireau n’est pas une espèce protégée.
Toutefois, vu que le déterrage n’est autorisé qu’à compter du 15 mai et dans des conditions bien précises, comment se fait-il que le comblement, voire le terrassement (car il y a bien eu des actes de pelletage de terre) d’un terrier ne soit pas condamnable ? Il y a là un paradoxe qu’il faudrait dénoncer.
Je pose la question : Comment peut-on endommager volontairement et même détruire impunément un terrier à tout moment de l’année quand le déterrage n’est autorisé qu’à compter du 15 mai et selon certaines règles ?
Concernant le maire de la commune, il n’a jamais daigné répondre à ma lettre courtoise et accompagnée d’un livret d’information intitulée « le blaireau et l’homme, pour une cohabitation pacifique » ; les associations de protections de la nature, elles, ne se sont pas saisi du problème et au mieux m’ont fait part de leur compassion ; quant à la DDPP, dont j’attendais qu’elle fasse son travail vis-à-vis du bovin non identifiable, elle n’a pas bougée, probablement ne pouvait-elle agir sans une demande émanant du parquet.
Quant à la personne soupçonnée être l’auteur du méfait, elle fut entendu comme moi par la gendarmerie, l’homme (un chasseur) reconnu m’avoir observé plaçant la caméra mais nia bien entendu tout lien avec l’exaction. Il ajouta quand même que l’affaire fit grand bruit sur sa commune.
Ce comportement “territorial et violent” destiné à m’indiquer que j’étais “personna non grata” est tout simplement inadmissible, il participe malheureusement allègrement et volontairement à la dégradation des relations entre les utilisateurs de la nature. Il nuit également gravement aux blaireaux, particulièrement en cette période, j’insiste la dessus, supposée des naissances et allaitements des blaireautins.
Le 15 décembre 2012 le terrier est réoccupé, mais seule deux entrées sont utilisées. Un crane de blaireautin âgé de 5 à 6 semaines est trouvé à proximité. Le jeune a-t-il été victime du comblement des gueules en mars ? On peut effectivement craindre, que sous l’action violente d’un « crétin médiéval » (pour reprendre l’expression du naturaliste Gérard MENATORY) une femelle gestante ait fui le gîte, abandonnant contrainte et forcée sa portée.
Michel CHALVET